Un modèle local remarquable d’économie circulaire, de solidarité et d’innovation depuis 27 ans.

Plus de 6 kg par habitant et par an : c’est le poids des textiles, linges et chaussures récoltés l’année dernière par le chantier d’insertion Interfringue.

Matthieu Cêtre, directeur adjoint, nous accueille.

J’ai préféré travailler pour des gens plutôt que pour des actionnaires.

Anciennement chef de projet en innovation dans l’industrie plastique, c’est avec son frère Antoine quant à lui chargé du développement commercial, que Matthieu Cêtre fait évoluer cette association « mais aussi avec tous les travailleuses et travailleurs en insertion : sans eux, Interfringue n’existerait pas. »

Au coeur de la démarche d’Interfringue : une vocation sociale.

« C’est d’abord une association d’insertion par l’emploi des publics qui en sont les plus éloignés. » Le textile est avant tout un support. 53 personnes travaillent à 38 équivalents temps pleins. Ces travailleurs sont en démarche d’insertion pour 24 mois maximum. L’apprentissage des techniques de vente, de tri, la préparation au passage du Code de la route, mais aussi une remise à niveau en français, en mathématiques et l’apprentissage des codes du monde du travail constituent les objectifs principaux de l’association.

UNE PORTE OUVERTE VERS L’EMPLOI : 34 ANS DE SOLIDARITÉ

Ni le niveau de français, ni un handicap, ni une absence de compétences professionnelles ne sont des freins : ce sont France Travail (ex-Pole Emploi), les Missions Locales, les conseillers RSA du département du Jura et Cap’Emploi qui orientent vers Interfringue les personnes qui pourront travailler et être accompagnées au sein de l’association : Interfringue est en effet conventionnée par l’État.

Les femmes représentent aujourd’hui 75 % des employées, comme l’éclaire ce bref historique : en 1990, Sylvie Laroche fonde l’association de repassage Laissez-vous fer. Puis elle crée, en 1997 avec Danièle Bavoux devenue présidente, la recyclerie de vêtements, de linge et de chaussures Interfringue. Jeans à 3 €, T-shirts à 1,50 € : « Le souhait », explique Matthieu Cêtre, « est de permettre, à toute personne qui a priori n’en a pas les moyens, de s’habiller correctement, au Magasin d’Interfringue avenue Duhamel pour les bourses les plus modiques. »

Le magasin La Frip », avenue Eisenhower, propose quant à lui des vêtements de marque, à prix corrects, un total de 57 tonnes de textiles est valorisé en boutique par an.

UNE COOPÉRATION ÉTROITE AVEC LE SICTOM DE DOLE ET LES COMMUNES

Des limites du 70 à Dampierre et Mouchard, la coopération entre le SICTOM et les communes a permis la mise en place et le relevé hebdomadaire de 115 bennes, pour 87 000 habitants : « Interfringue permet 1 point d’apport pour 800 à 850 habitants, alors que la moyenne nationale est de 1 pour 2000 », précise Matthieu Cêtre.

Pour les communes qui n’ont pas encore de bac de collecte, des collectes en porte à porte sont organisées. Depuis 2023, les chauffeurs déposent un tract dans 26 communes pour annoncer la prochaine collecte. Comment obtenir une benne pour sa commune ? Une décision de la mairie ou du SICTOM pour l’achat d’une benne suffit pour que les habitants bénéficient d’un point d’apport au plus près de chez eux.

ÉCONOMIE CIRCULAIRE, CIRCUIT COURT ET PARTENARIATS EUROPÉENS

Deux montagnes de sacs plastique juste arrivés de la collecte de la semaine font face à nous : « Ce que vous voyez là, c’est ce qu’on appelle un “gisement”. 25 % seront valorisables et vendables localement. » Le reste des 75 % est constitué de vêtements en mauvais état dont la grande majorité partira sur deux plateformes de tri et de recyclage en Belgique conventionnés par l’éco-organisme Refashion. Avec les collecteurs et la valorisation des textiles sur le bassin dolois, il s’agit d’avoir un oeil sur le devenir des déchets textiles, un devenir local : « C’est un choix politique fort », commente M. Cêtre « la traçabilité nous permet de savoir où va le textile, au kilo près. »

LES DÉCHETS SONT DES GISEMENTS

Tout déchet est envisagé comme une ressource pour l’économie circulaire, et s’inscrit dans une démarche écologique et solidaire : « Lorsque l’on trouve des peluches, des tapis, des livres dans les bennes, on les envoie – sous réserve qu’ils soient bien propres et secs - au Secours Populaire, qui nous renvoie à son tour des TLC [Textiles, Linge et Chaussures, NDLR]. » Les couvertures sèches partiront à la SPA, la « bourre » d’une couette sèche garnira des coussins vendus à la Frip’… Interfringue fournit aussi des textiles aux lycéens qui ont une section couture, pour des costumes, des associations par exemple.

Les opportunités développent des partenariats : avec Décathlon, par exemple, pour la fabrication de fil à partir de tous les vêtements 100 % coton noirs triés à Dole : un test est en cours au Portugal. « D’ici deux à trois ans, les nouveaux vêtements devront contenir 15 % de fils recyclés », rappelle M. Cêtre.

LES FREINS : INCIVILITÉS ET « FAST FASHION »

« Il faut savoir que les vêtements, » explique M. Cêtre, « le linge et les chaussures déposés sans sacs plastiques dans une benne peuvent prendre l’humidité. Les tissus mouillés ne peuvent plus être recyclés. Pire ils peuvent pourrir, développer des moisissures voire fermenter, et risquent de mettre feu au stock ! » Le sac « plastique » parfois biodégradable, est pour l’instant le seul contenant absolument nécessaire : « Nous avons essayé un prototype de sac non plastique pour collecter, mais pour l’instant le reste à charge reste trop important. »

L’autre frein principal à l’activité de l’association est la baisse de la qualité des vêtements : pour l’instant, 25 % seulement peuvent être revendus directement.

DÉMÉNAGER POUR DÉVELOPPER UNE APPROCHE 100 % CIRCULAIRE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL

Début mai, le déménagement sur 2000 m² s’est fait dans la zone portuaire de Dole. « Un nouveau Fenwick permet d’améliorer les conditions de travail, mais permet aussi aux chauffeurs hommes et femmes, de passer le permis CACES. Et surtout une nouvelle boutique occuper aussi les lieux. »

Développer les partenariats avec les entreprises locales, comme des maroquiniers sur Pelousey, est le souhait de l’association : « Les maroquiniers locaux recrutent avec plaisir les couturiers et couturières formées à Interfringue, car ils et elles travaillent sur les mêmes machines que ces entreprises. »

Le mécénat est enfin une belle voie éthique de développement de l’association.

Longue vie à Interfringue !

Janette Deville par Janette Deville (Malange)
Claire Chantefoin et Claire Chantefoin (Sermange)