l’impossible cohabitation

L’agriculture biologique n’est pas qu’une pratique, c’est aussi des valeurs et une alternative crédible face à l’accélération du changement climatique.

Malgré l’interdiction de vendre des légumes d’été bio cultivés en France dans des serres chauffées entre le 21 décembre et le 30 avril obtenue en 2019 suite à une forte mobilisation (près de 85 000 signataires pour la pétition « Pas de tomates bio en hiver », des centaines de chefs cuisiniers, des parlementaires de tous bords politiques et des dizaines d’associations engagées), le Conseil d’État le 28 juin 2023 a réautorisé de commercialiser sans restriction des légumes bio issus de serres chauffées en hiver !

Outre l’aspect de la santé humaine et l’absence de produits chimiques de synthèse, en bio le respect des cycles naturels est, et a toujours été, un des grands principes. Produire bio, c’est aussi faire avec les saisons. Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ».

Non à l’industrialisation de la Bio !

Chauffer sa serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver est donc incompatible avec le cahier des charges bio, une aberration environnementale et une trahison envers les consommateurs.

Pas de tomates sur votre table à Noël : refusez les produits bio industriels et apportez votre soutien aux paysans bio locaux !

La mesure n’aura tenu que trois ans.

L’interdiction de commercialiser des légumes bio cultivés sous serres chauffées, décidée le 11 juillet 2019 par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), était contestée par les sections légumières de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et de la Coopération agricole. Le Conseil d’État leur a donné raison.

Pour entraver le chauffage des serres destinées à la production de légumes bio, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) avait voté en 2019 l’interdiction de commercialiser la production cultivée sous ce type de serres, entre le 21 décembre et le 30 avril inclus. Or pour des légumes comme le concombre ou la tomate, les serres chauffées n’ont alors plus d’intérêt : au 1er mai, la production du sud de la France (sous serres non chauffées) est sur le point d’être récoltée.

Cette mesure, proposée par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Didier Guillaume, mettait fin à plusieurs semaines de polémiques entre puristes et productivistes. À la surprise générale, elle se rapprochait davantage de la position défendue par les acteurs historiques de la bio en France, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) et le Syndicat des transformateurs et distributeurs bio (Synabio), que de celle du syndicat agricole majoritaire FNSEA et ses alliés. Mais ces derniers n’ont pas lâché l’affaire.

La FNSEA à la manouevre pour industrialiser la Bio

Légumes de France (section spécialisée de la FNSEA) et Felcoop (section spécialisée de la Coopération agricole) ont attaqué la décision de l’Inao et du ministère de l’Agriculture devant le Conseil d’État en 2020. La haute juridiction française a rendu sa décision le 28 juin 2023, cassant l’interdiction de l’Inao pour « excès de pouvoir ».

Lors de l’audience, qui s’est tenue le 12 mai 2023, l’avis du rapporteur public laissait peu d’espoir à l’Inao et à la Fnab. Il avait en effet recommandé « l’annulation » de cette décision, estimant que l’Inao était allé « trop loin dans l’interprétation du règlement européen sur la bio », sortant alors de ses prérogatives en créant du droit, et non en l’interprétant, comme l’avait alors relaté l’agence Agra Presse.

Ce règlement contient des principes trop généraux pour permettre une interprétation claire concernant les serres chauffées, et il ne permet pas non plus d’interdire, même temporairement, la commercialisation de produits bio. La haute juridiction a donc suivi le rapporteur public, estimant dans sa décision que le règlement européen « définit de manière exhaustive » les modalités de production biologique et que, par conséquent, « les autorités nationales ne sont pas compétentes pour édicter » des dispositions complémentaires.

Seule une interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait désormais supplanter la décision du Conseil d’État…