Potable ou pas ?

Le Syndicat intercommunal des Eaux de Montmirey-le-Château assure en régie la distribution de l’eau aux habitants de 14 communes.

Après l’article publié au printemps (n° 53), Serre Vivante revient sur la question avec l’association CDMM-Quatre villages : une commune (Champagnolot, Dammartin, Marpain, Montrambert).

Issue de la nappe d’accompagnement de l’Ognon, l’eau est captée à Thervay. Dès 2018, les analyses de qualité font apparaître des métabolites du S-métolachlore à des doses très supérieures à la normale. Le syndicat ne reste pas inactif et cherche des solutions. L’achat d’eau au syndicat de la vallée de l’Ognon permet un temps de diluer la pollution, d’abaisser le taux des molécules toxiques pour que l’eau reste consommable.

À défaut d’information des habitants, l’association CDMM interroge le 21 novembre 2021 le SIE sur les mauvais résultats persistants tout au long de l’année 2020. Si le syndicat confirme la pollution, il renvoie sur les maires des communes concernées la responsabilité d’informer les consommateurs.

LA POLLUTION EST AVÉRÉE : LA CONSOMMATION DE L’EAU EST INTERDITE

En janvier 2022 l’Agence Régionale de Santé (ARS) se prononce : l’eau du robinet ne doit plus être utilisée pour les usages alimentaires et la préparation des aliments.

Combien d’habitants ont-ils été informés ?

La chose est très variable d’une commune à l’autre, les explications souvent partielles et parfois contradictoires…

Le 16 mai 2022, l’ARS prolonge l’interdiction de consommer l’eau.

MANQUE DE TRANSPARENCE, CDMM SE MOBILISE

Le 23 mai, l’association écrit aux Préfets du Jura, de Côte d’Or et de région, avec copie à tous les services de l’État en charge de l’eau et aux élus locaux.

Très rapidement le Sous-préfet de Dole reçoit une délégation. Il reconnaît que les services de l’État, le SIE et les municipalités à quelques rares exceptions, ont été « en-dessous de tout en termes de communication ». Il assure que le Préfet partage l’analyse et les inquiétudes portées par l’association, mais qu’il n’est pas facile de faire évoluer certaines pratiques de l’agro-industrie… Les pressions sont puissantes. Il s’engage à associer les membres de CDMM dans les discussions concernant la révision du périmètre de protection du captage de Thervay d’ici l’automne.

Ici comme ailleurs en France, les pouvoirs publics fabriquent une dérogation préfectorale permettant aux communes de continuer de distribuer l’eau (valable 3 ans et renouvelable une fois). Et le 16 juin 2022, bien que la qualité de l’eau ne se soit en rien améliorée, la sous-préfecture du Jura réautorise la consommation de l’eau du robinet.

UNE RÉUNION PUBLIQUE POUR TOUT METTRE À PLAT

Le 30 juin 2022 à Dammartin Le 30 juin 2022 à Dammartin

À l’initiative de CDMM, une réunion publique rassemble le 30 juin 2022 à Dammartin environ 120 personnes, en présence du Sous-préfet de Dole, de la Directrice de l’ARS, de l’agence de l’eau, du Directeur de la DDT (Direction Départementale des Territoires), de représentants du Syndicat des Eaux, de Serre-Vivante, du président du SAMUE (Service d’Analyse Mobile d’Urgence de l’Environnement) et de plusieurs élus.

élus, responsables et techniciens des services de l'Etat étaient présents élus, responsables et techniciens des services de l'Etat étaient présents
120 participants ! la parole a tournée dans la salle comble ... 120 participants ! la parole a tournée dans la salle comble ...
Une réunion exemplaire, de celles où l’on se dit tout, avec franchise et sans animosité. Après information sur les analyses, les produits et sous-produits polluants on a parlé du contexte. Le captage de Thervay est à l’extrémité ouest de l’immense bassin versant de l’Ognon (2 300 km²). La rivière reçoit de nombreux affluents, autant de sources possibles de contamination.

Mais la principale source de pollution a pour cause l’utilisation toujours plus intensive d’intrants agricoles issus de l’industrie chimique. L’arrachage des haies, les drainages et les terres mises à nu par les labours favorisent le ruissellement et la pollution de l’eau.

LAVAGE À GRANDE EAU !

Face à l’explosion des cas de pollution de l’eau du robinet par les métabolites des pesticides (près de 2000 communes touchées en France), l’ANSES prend une stupéfiante décision. Elle reclasse l’ESA-métolachlore jusqu’alors considéré comme « pertinent », c’est-à-dire susceptible d’engendrer un risque sanitaire inacceptable pour le consommateur, comme « non pertinent ». Et depuis le 30 septembre 2022, le seuil de qualité est passé de 0,1 μg/l à 0,9μg/l.

Ce qui autorise donc désormais plus d’un million de Français à boire une eau considérée hier comme impropre à la consommation…

ET MAINTENANT?

Dans l’urgence, le Syndicat intercommunal des Eaux de Montmirey-le-Château avait décidé en mai de louer un filtre mobile à charbon en grains pour une année.

Après un retard dû à un dysfonctionnement de l’appareil, celui-ci est actif depuis septembre et les premières analyses de l’ARS montrent une bonne efficacité.

L’eau est redevenue potable, mais à quel prix ! 270 000 € de travaux auquel s’ajouteront le loyer annuel et 68 000 € à chaque opération de changement du charbon.

Pour échapper à cette lourde charge, il est à craindre que l’installation soit rapidement démantelée… Les analyses de l’eau étant désormais dans les clous !

QUEL PÉRIMÈTRE DE PROTECTION?

La préfecture devait ouvrir en septembre l’enquête publique nécessaire à la Déclaration d’utilité publique du périmètre de protection de la zone de captage. Mais nous savons tous désormais que cette zone est insuffisamment protégée !

Il est impératif de reprendre le dossier avant cette procédure et prévoir d’élargir le périmètre en s’appuyant sur une nouvelle étude hydrogéologique. Un accompagnement des exploitants agricoles pour réorienter les pratiques doit être mis en place, en conditionnant ces soutiens à des résultats tangibles en faveur de l’environnement et de la santé publique.

Pour retrouver une qualité correcte de leur eau les habitants devront se mobiliser en participant activement à la future consultation publique et consigner dans le registre d’enquête toutes leurs légitimes revendications.

Par Philippe FAIVRE,

président de l’association CDMM

.

lire l’article dans le bulletin

Cliquez sur l’image ci-dessus pour découvrir le texte publié dans le bulletin 54 !