et si nos rivières étaient la solution ?

Nos cours d’eau au fil des siècles, et surtout durant les dernières décennies, ont été dénaturés, rectifiés, redressés, creusés, pour ne pas dire sacrifiés sur l’autel du profit.

Heureusement 50 kms de rivières ont été renaturés en 2021 en région, pour un cout de 21 millions d’euros financés par l’Agence de l’Eau.

Parce qu’il est possible d’agir plus vite (les crédits dont dispose l’agence de l’eau, presque 200 millions d’euros par an, ne sont pas entièrement consommés) pour des rivières plus résilientes face aux effets du changement climatique et en faire des alliés dans nos démarches d’adaptation à l’échelle des territoires, l’agence de l’eau RMC organisait à Dole le 12 octobre 2022 une journée d’échanges pour débattre autour des bonnes pratiques.

La confluence Doubs-Loue renaturée La confluence Doubs-Loue renaturée

REDONNER UN FONCTIONNEMENT NATUREL AUX MILIEUX AQUATIQUES

C’est se protéger contre les crues, améliorer la qualité de l’eau, favoriser le retour de la biodiversité et s’adapter au changement climatique. C’est aussi penser développement économique, lien social et qualité de vie ! L’intervention de François Degiorgi, maitre de conférences à l’Université de Franche-Comté, centrée sur la restauration des têtes de bassin forestières en forêt de Chaux fut très convaincante, démontrant ses effets positifs pour atténuer les effets du changement climatique.

Pour la biodiversité, les gains restent cependant encore très inférieurs aux dégâts des travaux du siècle passé. Sur 19 espèces piscicoles observées en 1960, il n’en restait plus qu’une seule avant les travaux de renaturation de quelques 40 affluents de la Clauge, rivière forestière qui avait perdu plus de 7 kms de linéaires en eaux permanentes entre 1920 et 1970.

10 ans après les premiers chantiers de reconstruction, on a seulement retrouvé 4 espèces… il faut hélas beaucoup de temps pour espérer ne récupérer qu’une maigre part de ce qui fut détruit.

L’AMBITION DES ACTIONS DOIT ÊTRE + GRANDE

Des projets de renaturation se réalisent chaque année mais manquent globalement d’ambition. La dynamique doit être accélérée, l’urgence est là. Les freins rencontrés pour passer du projet à la réalisation sont hélas légion. Jadis on passait souvent en force (la concertation n’avait lieu que lors de l’enquête publique, alors que tout était déjà finalisé !) mais les intérêts (économiques) des propriétaires et exploitants agricoles coïncidaient avec les objectifs de rectification des cours d’eau : gain d’espaces exploitables, assainissement ressenti des zones humides…

Aujourd’hui beaucoup de projets sont mis au placard car les raisons des travaux envisagés sont généralement trop loin des préoccupations des propriétaires qui restent hostiles. Parce que la planification se heurte souvent aux oppositions, on se rabat sur les seules opportunités, là où les choses sont plus faciles.

Le Doubs a Champdivers Le Doubs a Champdivers

QU’EST-CE QU’UN PROJET AMBITIEUX ?

Renouer le lien sensible des gens avec le cours d’eau que l’on restaure pour eux

Vis-à-vis de l’urgence climatique, l’engagement politique est un élément clé pour agir efficacement. Nicolas Dubau, hydromorphologue, a insisté sur la faible pertinence de travaux trop localisés et de faible envergure, réalisés généralement en raison d’une opportunité locale plutôt que dans une vision large et dans une approche globale de la rivière. Les résultats sont souvent décevants et le levier «preuve par l’exemple» est ainsi difficile à actionner…

Pour Jean-Baptiste Narcy, Docteur en sciences de l’environnement, il est nécessaire de construire un rapport de force : au-delà des personnes concernées (propriétaires/exploitants) il y a beaucoup de personnes intéressées. Une approche territoriale permet d’identifier les riverains favorables et d’engager une dynamique où l’intérêt général fait poids face aux intérêts particuliers. « Il faut mettre en évidence la demande sociale, raconter l’histoire socio-économique de la rivière, sortir du côté techno !»

En bref : « renouer ou raffermir ce lien sensible des gens avec ce cours d’eau que l’on restaure pour eux. »

LES RIVIÈRES COMTOISES SONT EN PIÈTRE ÉTAT

Catherine Petit, cheffe du service planification de la délégation de Besançon, a présenté les aides de l’agence, les résultats sur ces 20 dernières années. Elle a d’emblée reconnu que la situation des rivières comtoises était bien moins bonne que la moyenne nationale, parlant d’altération forte pour plus de 50 % des cours d’eau. Les travaux éligibles peuvent être financés de 50 à 70 % par l’agence et les enveloppes ne sont souvent pas entièrement consommées. C’est le cas en particulier de l’appel à projet «eau et biodiversité». Si l’agence a pour principe de financer les actions (investissement) et pas les structures (fonctionnement), le suivi des chantiers dans le temps peut (et doit) être intégré dans les projets et trouver alors financement.

LES PTGE, UN OUTIL INDISPENSABLE

Lors de la table ronde qui clôturait la matinée, tous les participants se sont retrouvés sur la nécessité de la recherche d’un consensus territorial, et tous approuvent les Plans Territoriaux de Gestion des Eaux (PTGE). Les lignes bougent doucement et le travail de pédagogie porté par l’agence de l’eau est indispensable. Reste à amplifier le mouvement et à rechercher comment assurer plus de cohérence. Il y a urgence !

L’eau, patrimoine commun menacé, est vitale.

Pascal Blain Par Pascal Blain, président de Serre Vivante lire l’article dans le bulletin

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