une tradition française en béton

Allons-nous recouvrir la France de bitume, au prétexte que cela crée des emplois ?

Alors que pas une semaine ne se passe sans qu’un économiste ne fasse une chronique sur le surendettement de l’État, est-il opportun de continuer des Grands Travaux ruineux dont l’utilité publique et la rentabilité sont souvent discutables voire illusoires ?

Quand l’argent du contribuable part en fumée inutilement

Les centaines de milliards d’Euros d’argent public, dépensés chaque année en pure perte dans des travaux pharaoniques inutiles, font cruellement défaut à l’indispensable et rentable transition énergétique. Alors que le lobby des Travaux Publics a pour stratégie facile et habituelle de surestimer les créations d’emplois de ses projets, il est de plus en plus évident que les gisements d’emplois résident dans l’isolation des millions ‘’d’épaves thermiques’’ que sont la plupart de nos bâtiments. Les énergies renouvelables sont un autre gisement d’emplois. La France dépense chaque année 80 milliards en importation de pétrole et de gaz. Des chiffres qui donnent le tournis, si on les cumule sur plusieurs décennies. Ces Grands Travaux Inutiles révèlent le manque d’imagination de décideurs politiques qui s’accrochent aux vieilles recettes des Trente Glorieuses, devenues vingt ans plus tard les ‘’Cinquante Gaspilleuses’’. Souvent, un ministre annonce la fin des grands projets autoroutiers, mais en soumettant celle-ci à suffisamment d’exceptions pour rendre le moratoire inopérant. Depuis plusieurs années, sur fond de crise économique et environnementale, de nombreux combats contre de futures grandes infrastructures routières ou aéroportuaires ont occupé le devant de la scène médiatique. Les opposants, de plus en plus nombreux, arrivent de tous bords indépendamment des clivages politiques.

Une utilité publique douteuse

Que ce soit pour Notre-Dame-des-Landes, la liaison ferroviaire Lyon-Turin, les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, l’autoroute A65, ou d’autres, l’analyse montre partout que les infrastructures existantes sont loin de la saturation et qu’une amélioration coûterait beaucoup moins cher pour une rentabilité optimale. Ces projets ont comme triste point commun de recouvrir ou morceler des terres à haute valeur agricole, des terres d’élevage, ou plus grave encore, pour l’aéroport Notre Dame des Landes, des zones humides : ces dernières fonctionnent comme une éponge, elles retiennent l’eau en période d’inondation, et la restituent progressivement en période de sècheresse. Qui pourra contester cette utilité publique, avec le rythme des catastrophes naturelles qui s’accélère ? Ces zones humides sont aussi un vivier de biodiversité incomparable. Pourtant, l’équivalent d’un département de surface agricole est artificialisé tous les 7 ans, et les agriculteurs sont souvent expropriés avec des indemnisations très discutables au regard de la valeur des terres.

Les exemples ne manquent pas !

Le projet Europa City à Gonesse dans le Val d’Oise porté par le groupe Auchan en est un. C’est le plus grand centre commercial et de loisirs du monde, les chiffres donnent le vertige : 500 boutiques, 20 000 m2 de restaurants, 50 000 m2 d’activités culturelles, 20 000 m2 d’espace de congrès, 110 000 m2 d’hôtels, 80 000 m2 de locaux administratifs, 150 000 m2 de loisirs, avec, cerise sur le gâteau, une piste de ski indoor ! Comment envisager alors une transition énergétique ? Ce temple de la démesure recouvrirait 1 000 hectares de terres agricoles parmi les plus fertiles de France. Tout cela pour que Paris puisse ‘’rivaliser avec les autres capitales’’ … Les stades de foot construits pour l’Euro 2016 mériteraient un exposé particulier. Leur cadre juridique se situe dans un partenariat public-privé entièrement tourné en général à l’avantage de ce dernier. Pour schématiser, si c’est rentable, les bénéfices vont au privé, en cas de pertes, celles-ci sont payées par le contribuable ! A l’heure où les patrons disent souvent à leurs salariés que l’entreprise n’est pas une ‘’vache à lait’’, il serait bien de rappeler que le contribuable non plus …

Le Jura n’est hélas pas en reste …

L’aéroport de Dole-Tavaux est soutenu à coup de millions de subventions publiques ces dernières années. Si une minorité de personnes profite des lignes ouvertes à prix cassé, on oublie que pour chaque billet payé, les finances publiques sont largement sollicitées pour le bénéfice quasi exclusif de la compagnie low-cost Ryanair. Et je ne parlerai pas ici des projets Center Parcs de Poligny et du Rousset en Saône et Loire…

A lire : Le petit livre noir des Grands Travaux Inutiles (Camille)

Le passager clandestin ISBN 978-2-36935-012-5

Nicolas Roques Par Nicolas Roques (Dole)
lire la suite

Cliquez sur l’image pour accèder au texte publié dans le bulletin 43 …